La Direction de l’Evaluation de la Prospective et de la Performance du ministère a conduit une enquête sur la continuité pédagogique auprès d’enseignants, de CPE, de parents, d’élèves, de chefs d’établissement et d’IPR. Si un certain nombre de résultats ont un intérêt, la qualité du questionnaire dans son ensemble laisse à désirer et en particulier sur la question des conditions de travail. Un des rares résultats sur les conditions de travail est le suivant : 76 % des enseignants hommes, et 61% des enseignants femmes, du second degré déclarent être d’accord ou tout à fait d’accord avec le fait d’avoir disposé du temps nécessaire pour effectuer leur travail pendant la continuité pédagogique. Certes le fort écart entre les hommes et les femmes sur cette question est une information intéressante, mais plutôt sur l’état de la société française car il est probable qu’il soit lié à une prise en charge différenciée des enfants ; pour décrire les conditions de travail sur cette période, cela reste très léger.
Le SNES-FSU de son côté a aussi proposé des enquêtes aux personnels dans les académies de Toulouse, Rouen, Versailles, Lyon, entre autres, ou des recueils de témoignages dans celles Reims et Strasbourg par exemple. Ces très nombreuses remontées écrites, comme celles qui ont pu se faire lors de réunions ou d’appels téléphoniques, attestent d’enjeux cruciaux de conditions de travail
En préalable, pas besoin d’enquête pour savoir que les collègues ont travaillé avec leur équipement personnel, mais les retours montrent qu’une part non négligeable a même dû investir dans l’urgence : réparation, matériel neuf ou plus performant, périphérique supplémentaire...
Le point qui ressort le plus a été l’inflation du temps de travail qui a touché la majorité des collègues, avec la nécessité, pour plus de 90% de remanier la quasi-totalité des cours, activités… Des collègues témoignent de journées de 12 heures ou plus à répétition. La liste des autres éléments qui ont pu contribuer à cet allongement serait trop longue mais citons pêle-mêle : l’autoformation, les recherches diverses, les messages, les corrections sur écran, les explications techniques aux élèves et aux parents…
Deux tiers de nos remontées font état de problèmes techniques divers et variés sans parler du plantage initial des ENT : connexion ou débit défaillant, problèmes logiciels et matériels, pannes, etc. Et si le numérique permet une communication qui n’aurait pas été possible sans, cette dernière est jalonnée d’obstacles. Outre les problèmes techniques rencontrés, on peut aussi citer les fichiers trop lourds, les formats incompatibles avec les logiciels disponibles, les incompréhensions mutuelles dans les messages, les photos floues de travaux rendus…
C’est un véritable travail empêché qui est souvent décrit. De faibles taux de réponse ou de renvoi de travaux. Ne pas savoir, ou trop peu, ce que les élèves retirent de ce qui est proposé, ne pas voir ce qui peut causer des difficultés. Le constat que des travaux d’élèves reçus par voie électronique, mêmes conformes aux attentes, ne sont pas non plus toujours suffisants pour évaluer l’efficacité de ce qu’on fait. Travail « dans le flou », « en aveugle », « dans le vide », telles sont les expressions qui reviennent.
Enfin, bien des personnels ont payé un coût physique et psychique à la « continuité pédagogique ». Douleurs musculaires ou aux tendons, maux de dos et de tête, sentiment d’être débordé, culpabilisation… Une fatigue dont on avait bien du mal à se reposer. Et quand il faut s’occuper d’enfants qui demandent encore plus d’attention dans cette situation de confinement, on comprend qu’il ne pouvait pas toujours être possible de tout mener de front.
Dans une situation où des situations de travail à distance sont à craindre, il est important que nous sachions collectivement ce que l’impréparation et la com ont généré. Il faut que les équipes dans les établissements s’expriment sur les difficultés rencontrées et revendiquent d’autres conditions. Les militants du SNES-FSU le font dans les instances depuis des semaines et continueront de le faire, puisque le ministre « Tout est prêt » sait juste que la majorité d’entre nous a disposé du temps nécessaire pour faire son travail.
Yannick Lefebvre