“"Mal nommer les choses, c’est ôter un peu de beauté au monde"”
Albert Camus
En cette fin d’année scolaire difficile dans bien des établissements, il est temps de faire le point sur le glissement certain du sens de nombreux mots dans la bouche de ceux qui nous gouvernent et de leurs représentants. Dialogue social, solidarité, progrès social, autonomie, conditions de travail, devoir de réserve, syndicalistes...
Ainsi en 2004, la loi de cohésion sociale se voulait consacrant la société civile en développant le dialogue social préalable à toute grande réforme. Nous avons vu comment cette notion de dialogue social s’est transformé dans la bouche de Dominique de Villepin et consort : "je prends les décisions et je vous en informe sans en discuter". De la crise des banlieues est sorti l’apprentissage à 14 ans dont personne ne veut, pas même les patrons intelligents. Du chômage d’une partie des jeunes, un Contrat Première Embauche (CPE) n’ayant pour seule vraie ambition que de précariser l’ensemble des jeunes et de remettre en cause le code du travail. Il aura fallu la mobilisation très forte à plusieurs reprises de millions de jeunes et moins jeunes, lycéens, étudiants salariés et retraités pour lui faire entendre raison. Cette lutte unitaire a été exemplaire et nous rappelle qu’on peut toujours gagner et qu’en tous cas on empêche encore de reculer.
Le mois de juin c’est aussi se souvenir du sens que la majorité parlementaire donne au mot solidarité : celui de faire travailler gratuitement une seule catégorie de la population pour venir en aide aux personnes dépendantes. Cette catégorie est certes la plus nombreuse, mais pas la plus riche. Quid des revenus du patrimoine, des revenus du capital, des professions libérales, des entreprises...? La solidarité, nous l’avons vécu lors des dernières manifestations rassemblant ceux qui ne travaillent pas encore et ceux qui ont fini de travailler et surtout ont été à l’origine des progrès sociaux dont nous bénéficions aujourd’hui et que nous souhaitons transmettre à nos enfants.
Au fait, ce progrès social, n’est ce pas pour les libéraux la volonté de réduire les droits des salariés, d’augmenter le temps de travail, de faire reculer l’âge de la retraite, de diminuer les pensions, de diminuer l’ensemble des prestations sociales, de casser la sécurité sociale, de démanteler les mutuelles...? Pour eux, améliorer les conditions de travail n’est ce pas supprimer des postes en collèges et en lycées afin de laisser des effectifs chargés, remettre en cause les heures de décharges statutaires pour nous permettre de rester plus longtemps dans les établissements ?
Les lois de décentralisation avaient prévu des organismes de consultation comme les CPTA. Aujourd’hui avec la mise en place de la LOLF dans les académies, nous avons demandé la constitution de groupes de travail pour discuter au plus près des réalités, nous en avons besoin et c’est une condition essentielle de l’exercice de la démocratie. Ces même lois de décentralisation avaient sacralisé l’autonomie des établissements en créant des conseils d’administration, belle idée, mais certains y voient davantage l’autonomie du chef d’établissement et plusieurs rêvent tout haut de museler toute opposition, par une interprétation étroite du trop fameux "devoir de réserve" cherchant à le transformer en droit de se taire (Education Nationale = Grande Muette ? ).
Il est tout aussi étonnant de remarquer que la profession de chefs d’établissement est très syndicalisée, mais qu’une partie de ses représentants, voire même des dirigeants syndicalistes, cherchent à limiter par tous les moyens les droits syndicaux - seulement ceux de leurs subordonnés - allant jusqu’à remettre en cause le droit de grève et le libre exercice de ce droit. Notre conception est bien éloignée de ce syndicalisme de lobbying.
Heureusement, les vacances arrivent pour reprendre des forces et mieux repartir à la rentrée. En attendant nous avons du pain sur la planche entre les examens pour éviter la mise en place d’un conseil pédagogique à la botte de ceux qui se verraient bien en "petits chefs".
Christophe Girardin
Reims le 1er juin 2006
P.S. : Vacances : temps de repos bien mérité consacré à la préparation des cours (et aux corrections des copies pour les "petites vacances").